| | Alone in the dark -- PV Chase -- | |
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Eirinn MacAnrai Admin || Esprit de la Pierre
Messages : 447 Date d'inscription : 15/02/2010 Age : 35
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| Sujet: Alone in the dark -- PV Chase -- Sam 6 Mar - 23:55 | |
| La musique. Quelques notes, une mélodie à peine esquissée, le doigté savant d'un expert, et la mélancolie qui montait. Eirinn avait toujours aimé la musique. Des simples percussions aux harmonies puissantes du classique, en passant par la pop music et le blues, elle écoutait de tout, émerveillée sans cesse de la créativité dont faisaient preuve les hommes. Avec n'importe quoi, quelques bouts de métal, une peau tendue ou même parfois simplement avec leur voix, ils produisaient des chefs d'œuvre musicaux, et Eirinn ne pouvait s'en passer. Elle-même avait appris le violon, il y avait longtemps, mais sa préférence allait à l'orgue. Elle n'aimait rien tant que faire vibrer les vitraux d'une église au son des vibrations graves du massif instrument... quitte à déranger les colonies de souris qui peuplaient souvent ces vénérables bâtiments.
Eirinn avait toujours eu de bons rapports avec les religieux catholiques - sauf à l'époque de l'Inquisition. Ayant échappé de peu au bûcher plusieurs fois, elle se méfia de longues années avant de retrouver avec joie les églises et leur ambiance si propice au recueillement et à la méditation. Elle avait passé des heures assise ou agenouillée dans la pénombre, à la lueur des bougies, adressant ses pensées pleines de réflexions à la Mère toute-puissante qui règne sur chaque chose et qui lui accorda son pouvoir, cette Mère qu'elle retrouvait si bien dans le personnage biblique de Marie. Alors, sans complexe, elle s'en venait prier sa déesse dans les cathédrales chrétiennes, certaines que, quel soit le Dieu qui y siégeait, il recevrait ses pensées avec sérénité.
De là découlait les accords officieux qu'elle avait aujourd'hui avec les églises de la Nouvelle-Orléans. En échange d'une contribution régulière aux œuvres de charité de l'Eglise, on lui avait donné le droit d'utiliser un des bâtiments en soirée, quand elle le souhaitait, pour venir jouer sur l'orgue somptueux qui y trônait, silencieux et désœuvré quand elle n'était pas là. La musique religieuse avait le don d'apaiser son âme et ses sens, de l'aider à retrouver le calme et la tranquillité intérieure de l'Esprit de la Pierre qu'elle était depuis si longtemps.
Cela devenait de plus en plus difficile pour elle de retrouver cette sérénité. Sa conscience la tourmentait, à cause des agissements répréhensibles de sa Gardienne Allanis, qui exigeait de bien cruelles contreparties en échange des vœux qu'Eirinn exauçait. Des morts, des blessés, des vies brisées, et pour elle, un poids terrible qui s'alourdissait et lui crevait le cœur. Tant de peine, tant de malheur... Allanis était vraiment la plus noire des âmes qu'elle ait jamais rencontrée. Dire qu'elle devait obéir à une telle Gardienne...
Alors, elle venait là se ressourcer, manipuler les leviers et manettes du gigantesque orgue de la cathédrale Saint-Louis, emplissant l'air des sons graves et rauques qui exprimaient si bien le tumulte intérieur de son âme qui saignait, des remords qui la tenaillaient et de la peine qu'elle éprouvait à se trouver aussi impuissante. Les visages innombrables des victimes de la cupidité de la cruelle Allanis tourbillonnaient devant ses paupières fermées, alors qu'elle jouait à l'aveugle, habituée à l'emplacement des pièces commandant l'instrument. Elle jouait pour les victimes de son talent, pour les désespérés suppliants venus à elle et qu'elle n'avait plu que blesser davantage, esclave de la Pierre sous le contrôle de la machiavélique enfant Gilbert. Elle jouait la tourmente et le chagrin, la rage et la douleur, la peine et le remords, le poids insupportable de chaque nouveau crime sur sa conscience, elle pleurait la fin de l'innocence et la perte de sa mission.
Et là-bas, dans la cathédrale fermée et vide, dans le noir de la nuit, les vitraux somptueux vibraient doucement, comme accompagnant de leur doux murmure la tempête de l'orgue.
Dernière édition par Eirinn MacAnrai le Ven 12 Mar - 18:05, édité 2 fois |
| | | Chase S. Washington Nouvel habitant
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| Sujet: Re: Alone in the dark -- PV Chase -- Dim 7 Mar - 14:07 | |
| Il faisait nuit. Il pouvait sentir la fraîcheur, les douces senteurs de la pénombre. Et par-dessous tout, ce silence, ce silence à la fois épais et tellement léger. C’était la partie de la journée qu’il préférait. Quand dehors, tout était calme, et que l’air nocturne emplissait vos poumons sans aucune âcreté. Il aimait se promener dans les rues désertes, prendre son temps, marcher sans se presser, sans devoir faire attention à une foule qui courait tête basse, dans l’agitation d’une journée chargée. Il enfila donc une petite veste, et sortit, humant cette atmosphère de bien-être.
Il marcha, marcha un long moment, sans savoir vraiment où il allait, sans que cela lui importe vraiment. Il marchait simplement, longeant les trottoirs, caressant les murs du bout des doigts. C’était une sensation agréable, un discours muet avec des parois inanimées, comme si chaque surface, chaque brique, chaque morceau de bois avait une histoire, un passé qu’il voulait raconter, et qu’il exprimer à travers ce contact éphémère, celui de l’homme qui laisse traîner sa main contre la matière brute à laquelle personne ne prête attention. Il imaginait alors tous leurs secrets, se représentaient ce qu’ils cachaient, les familles qu’ils abritaient, les enfants qui avaient ri derrière, les couples qui s’étaient épanouis en s’y sentant à l’abri. C’était toute une vie qu’il pouvait palper, plusieurs vies même, des générations, de multiples collocations, des successions et des drames, oui, surtout des drames, des catastrophes qu’on pense pouvoir oublier, effacer avec un peu d’eau et de savon. Mais la pierre garde tout, les souvenirs des hommes et des femmes, leurs erreurs, leurs prouesses. Ils sont là, tellement discrets, personne ne leur prête attention, mais les murs voient tout, entendent tout, et jamais n’oublient ce dont ils ont été les témoins. Et c’était tous ces mystères que Chase essayait de percer, ou du moins d’imaginer.
Les rues sommeillaient. Pas un bruit, pas un murmure, si ce n’est le faible murmure du vent, le chant hésitant d’un oiseau égaré. Et puis, soudainement, cette mélodie sortie des ténèbres, cette douce chansons sans paroles, quelques notes vibrantes, quelques notes résonnantes. On irait dit le chant d’une sirène, cet irrésistible appel qui séduit tout homme. Chase ne fut pas épargné, il fut immédiatement conquis par cet air envoûtant. Il se laissa guider, laissant ses sens décider du chemin à emprunter. Ses mains se posèrent sur une porte. Le bois était massif, épais, brute. Et derrière, comme un son étouffé mais puissant, la mélodie qui l’avait attiré jusque là. Il pourra donc la porte ; elle devait être gigantesque, et surtout très lourde. Le son s’intensifia aussitôt la porte entrouverte. Et, avec la musique, ce fut un air glacial qui vint frapper le jeune homme. Une église. Mais, par-dessus tout, une présence particulière, étrange. Une présence des plus mystérieuses, presque effrayante, puissante, tellement puissante qu’un frisson parcouru le garçon.
Cela ne l’empêcha pas pour autant de monter les marches qui conduisaient à l’orgue. Chaque nouvel escalier le rapprochait de cette force inconnue, de cet air digne d’un professionnel. Oui, la prestation était des plus belles, majestueuse, maîtrisée, et relevant d’une connaissance incroyable, d’un don naturel, d’un talent inouï. Il ne parvenait même pas à percevoir les doigts du musicien caresser les touches de l’instrument.
Ce ne fut que quand il arriva tout près qu’il sentit une nuance à la mélodie, une sonorité el la mineure qu’il n’avait jusque là pas remarqué. Cette tonalité était connue pour son air mélancolique, pour la tristesse qu’elle inspirait. Mais en général, on ne l’utilise que pour donner un sens à un morceau. Alors que là, c’était l’inverse. Les gammes n’étaient qu’accessoires. On aurait pu être en do majeur que l’air aurait été tout aussi triste. Il était emprunt d’une douleur, d’une peine profonde, une tristesse enfouie. A travers les notes enchaînées se cachaient une sorte de désespoir, d’abandon. Non, c’était plus que ça. C’était amer, c’était acidulé. C’était de la culpabilité. Des remords, des regrets. Un poids lourd sur son cœur.
Mais qui était cette personne, donc le cœur était empli à la fois de noirceur et de bonté ?
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| | | Eirinn MacAnrai Admin || Esprit de la Pierre
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| Sujet: Re: Alone in the dark -- PV Chase -- Mar 9 Mar - 14:39 | |
| Eirinn jouait, oublieuse du monde extérieur, caressant du bout des doigts les leviers, effleurant les pédales du bout des pieds. Une légère pression savamment dosée, un glissé aérien de la main, et les notes profondes s'enchaînaient les unes aux autres, coulante harmonie, vibrantes du poids de son chagrin enfoui. Toute entière prise par la musique, elle se laissait complètement aller aux commandes de l'instrument, pianotant sur les touches lustrées, transmettant le hurlement de son âme aux tuyaux massifs, envoyant sa peine et sa rage dans l'atmosphère confinée de l'église. Les yeux fermés pour mieux savourer la vibration puissante de l'instrument, elle avait mis tout son corps à contribution et se laissait porter par les notes grave de l'orgue qui répondait à chacun de ses gestes.
En nul autre instant n'était-elle aussi concentrée que lorsque qu'elle donnait voix à sa frustration. Focalisée exclusivement sur le chaos qui ravageait son âme, elle avait oublié tout le reste, ne se préoccupait plus de l'endroit où elle se trouvait, ni de ce qui se passait autour d'elle. Elle avait besoin de ces moments d'isolement, de ces instants précieux où elle pouvait se centrer sur elle, sur elle-même uniquement, et revoir ces deux mille années d'existence qui parfois pesaient bien lourd sur ses épaules. Des bribes de souvenir de sa vie de mortelle revenaient parfois la hanter, le fantôme de sa mère, de ses sœurs, et l'exclusion cruelle destinée à l'enfant blonde dans un peuple de bruns. Elle ressentait encore l'amertume de la solitude dans laquelle elle avait grandi, l'injustice de son sort qui lui avait valu une enfance désolée, une adolescence désenchantée, et tout cela n'avait pris fin qu'avec le couteau du sacrifice dans la fleur de son âge adulte. Morte à vingt ans, offerte à la Déesse qui l'avait acceptée, puis rendue au monde pour faire le bien autour d'elle et connaître enfin la gratitude et le respect auxquelles les personnes charitables et aimantes ont droit. Rendue au monde pour exaucer les souhaits, pour embellir des vies et rendre le sourire aux malheureux et aux désespérés. On lui avait pris sa vie de misère, d'étrangère rejetée pour son apparence, et on lui avait donné une raison d'être, une possibilité de montrer sa nature de douceur et de générosité. On lui avait donné une lignée de Gardiens, pour ne pas qu'elle soit trop seule. Cela aurait pu marcher, en fait cela avait fonctionné deux mille années : jusqu'à Allanis, jusqu'à ce qu'elle découvre de près toute la noirceur et la cupidité de l'être humain.
Alors, Eirinn jouait, jouait pour se laisser porter, pour que les notes puissent la mener loin, loin de tout ça, qu'elle puisse oublier quelques instants le mal que son serment l'avait obligée à semer. Toutes ces victimes, jetées dans le malheur par la cruauté d'Allanis, et elle obligée de se plier aux volontés de la Gardienne, car telle était la loi, tel était son destin. Parfois, elle regrettait amèrement d'avoir été choisie, de porter cette marque imprimée sur son âme, d'avoir ce pouvoir d'exaucer les vœux. Avant, c'avait été une véritable bénédiction, une joie immense de pouvoir aider les autres. De se sentir utile, d'avoir une place dans ce monde - aujourd'hui, elle redoutait les moments où Allanis la rappelait à la boutique pour répandre plus de mal et de souffrance. Assister aux larmes d'une victime innocente avec le sourire pervers d'Allanis au deuxième plan, c'était... c'était monstrueux.
Alors elle jouait, jouait, jouait encore et toujours, effaçant l'image de sa Gardienne, ne gardant en tête que les bons moments, exprimant sa colère et son impuissance, et l'irrépressible mélancolie qui la saisissait parfois. Coupable, coupable, elle était responsable pour moitié de ces tragédies, et le poids des remords l'entraînait toujours plus loin dans l'abandon. Pouvoir se détacher de tout, abandonner quelques instants l'amertume des regrets...
Elle était en pleine composition lorsque quelque chose d'extérieur s'imposa à son esprit. Elle était allée très loin dans la concentration, si loin qu'il lui fallut quelques instants pour ramener sa conscience à la surface et appréhender à nouveau le monde qui l'entourait. Quelque chose avait changé. Une bouffée d'air tiède, là-bas, près de la porte. Une présence. Discrète, respectueuse. Un homme. Qui donc ? Sans lâcher les touches de l'instrument, elle rouvrit les yeux, aperçut une silhouette dans la pénombre projetée par les bougies qui veillaient jour et nuit sur la cathédrale. Elle tourna légèrement la tête - et se figea sur le clavier.
Une fraction de seconde, et la mélodie repartit, plus riche de regrets encore, car c'était Chase qui était là - Chase qu'elle n'avait vu qu'une fois, mais sur qui elle veillait de loin, car il était l'un de ses remords les plus lourds - Chase l'aveugle, qui avait donné ses yeux à la femme qu'il aimait, et qui avait été rejeté par elle, trahi et abandonné. Les notes se firent plus profondes, plus personnelles - Eirinn évoquait la verdeur de l'Irlande, la complexité de ses paysages, les chaleureux rayons du soleil qui couraient dans la campagne, la fraîcheur et la beauté de sa contrée natale, le mal du pays, et les regrets infinis de ne pouvoir lui faire partager cela.
L'orgue soufflait, encore et encore, fidèle compagnon de son âme blessée, épousant le moindre de ses désirs, la moindre de ses intentions. Un cottage dans la prairie ? Une longue harmonie paisible. Un lac cristallin ? Une myriade de notes argentines. Un torrent dévalant les monts ? Une cascade de notes miroitantes. Les oiseaux au petit matin ? Une envolée de trilles sonores, telles leur chant harmonieux aux premiers rayons du soleil. Toute la beauté du monde, transmise par le puissant instrument, résonnait sous le haut plafond de la cathédrale.
Elle ne jouait plus pour elle. Elle jouait pour Chase, pour ses yeux perdus, pour sa solitude à lui qui n'était pas la même que sa solitude à elle, mais qui la rencontrait quand même sur certains points. Pour la souffrance de son cœur blessé, pour la trahison de l'être aimé, et pour la culpabilité qu'elle ressentait à son encontre, pour avoir exaucé son souhait, pour avoir obéi à Allanis. Elle joua pour lui, un long moment, restituant ses souvenirs des pays splendides qu'elle avait traversés, les riches harmonies colorées des étoffes, des maisons, des paysages. Elle joua parce qu'elle ne savait pas quoi lui dire, parce que les mots étant autant de pierres aiguës et tranchantes qu'elle ne voulait pas lancer. Parce qu'elle avait peur, peur de ce que lui pourrait dire, peur qu'il ne lui en veuille.
Peur, oui, parce qu'elle était immortelle mais humaine quand même, avec ses forces, et ses faiblesses, et qu'elle ne voulait pas être haïe pour les actes d'Allanis. Parce que quelque chose en elle regrettait terriblement le sort de Chase, et qu'elle aurait fait n'importe quoi, n'importe quelle folie, pour reprendre ce qui avait été dit... |
| | | Chase S. Washington Nouvel habitant
Messages : 18 Date d'inscription : 06/03/2010
| Sujet: Re: Alone in the dark -- PV Chase -- Jeu 11 Mar - 16:42 | |
| Il y avait eu un changement dans l’air. La mélodie était toujours aussi triste, mais d’une autre tristesse, une tristesse accablée, une tristesse désolée. Et soudain il vit, d’abord de la verdure, partout, des prés fleuris, des montagnes verdoyantes, des champs sous le soleil, recouverts de cette belle couche verte rayonnante, la campagne à perte de vue. C’était beau, tellement beau, comme un dimanche d’été, un pique-nique en famille, ou simplement une ballade entre amis. Il pouvait presque entendre les enfants rire en courant, foulant de leurs petits pieds l’herbe humide, sentant encore la rosée. L’air faisait virevolter leurs cheveux, douce brise matinale caressant leur peau rose. Et lui, c’est comme s’il avait été dans un avion, ou alors il était un oiseau qui survolait ces contrées tout droit sorties d’un conte de fées. Par-ci par là, quelques vaches broutant paisiblement, des cheveux sauvage galopant derrière lui, un troupeau de mouton rentrant à la bergerie. Et puis ce lac, scintillant de mille diamants, reflétant les rayons du soleil, comme un joyau, une perle bleue perdue dans cette immensité verte creusée de vallées et de sillons, quelques monts, prendre de l’altitude, et se lancer depuis le sommer, voler, voler de ses ailes, plonger dans le vide, raser les brindilles, remonter dans les airs pour suivre la rivière, et, tel le roi lion sur son rocher, surplomber une cascade et se laisser glisser le long de son eau claire, jusqu’au tumulte, tout en bas, avant de reprendre son vol au-dessus des prairies.
Un sourire indélébile se dessina sur son visage. Il n’était plus dans une église, dans cette ville inconnue un soir comme un autre. Il était loin, très loin, sillonnant un monde agréable, un monde beau à voir, chaleureux, bienveillant. Et il était heureux, de voir à nouveau, même s’il savait que ce n’était que dans son imagination, voir quelque chose d’aussi majestueux, de se sentir libre. Mais bientôt, des nuages gris vinrent couvrir l’horizon. La lumière s’amenuisa, le décor s’assombrit. L’oiseau qu’il était se posa, ses pattes heurtant maladroitement un sol boueux. Le noble oiseau glissa, tomba, dérapa de plusieurs mètres sur cette marée de terre collante. Surpris, il se releva. Il était redevenu humain. Quelque chose le blessait, s’enfonçant dans sa paume. Il regarda sa main, l’ouvrit. A l’intérieur, il y avait une pierre, noire, tellement sombre qu’elle semblait absorbait toute la lumière qui l’entourait. Immédiatement, il la laissa tomber, et elle roula à ses pieds. Sa main saignait, les plaies dessinant avec précision l’emplacement précédent de la pierre. Un rire machiavélique résonna derrière lui. Il se retourna mais en vit rien. Le rire reprit de plus belle, méprisant, abominable.
Il ouvrit soudain les yeux, et se fut à nouveau le noir complet, le noir auquel il était habitué. Le rire dans sa tête avait cessé. Mais la musique de l’orgue continuait, teinté de cette même noirceur qu’il avait perçue en arrivant. Mais cette fois il savait qui jouait. Il se souvenait de son visage, des traits doux qui lui avaient semblé charmants, et cette tyrannie dans ses yeux clairs, non pas de la cruauté, mais de la douleur, une souffrance intérieure. Il avait lu la bonté dans ses prunelles, avait su que ce n’était qu’à contrecœur qu’elle exhaussait son vœu. Il aurait voulu lui dire qu’elle n’avait rien à se reprocher. Mais elle ne lui en avait pas laissé le temps. Il aurait voulu lui dire qu’il aurait payé n’importe quel prix, et qu’elle n’avait pas à être désolée pour lui. Mais elle était partie avant même qu’il n’ait pu entre-ouvrir les lèvres.
Que faisait-elle là ? Il s’approcha encore un peu, tâtant l’emplacement du tabouret. Il savait que celui-ci serait assez grand pour les y accueillir tous les deux, il arrivait que plusieurs pianistes doivent jouer en même temps tellement l’orgue comportait de touches et de nuances. Quand sa main se posa sur le velours, il s’assit fasse à l’instrument, et sourit paisiblement.
« Merci de m’avoir montré ces paysages. C’était sublime. Ne t’arrête pas, je t’en prie, c’est tellement beau. »
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| | | Eirinn MacAnrai Admin || Esprit de la Pierre
Messages : 447 Date d'inscription : 15/02/2010 Age : 35
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| Sujet: Re: Alone in the dark -- PV Chase -- Mer 17 Mar - 1:32 | |
| Les doigts courant inlassablement sur les touches polies du noble instrument, Eirinn continuait l'évocation sans fin des verts paysages de son enfance, des rayons du soleil sur la terre fertile, des rires d'enfants portés par le vent de hameau en hameau, au gré des joies de la vie. Son cœur saignait presque de l'amertume de ces souvenirs et de l'infinie mélancolie qu'ils lui infligeaient, mais dans le même temps, son âme s'apaisait à se remémorer ainsi d'où elle venait. Elle s'apaisait également à sentir Chase auprès d'elle recevoir ces images qu'elle lui proposait, les accueillir en lui comme les présents qu'elles étaient, sans l'accabler ni la maudire pour ce qu'elle lui avait fait.
Inconsciemment, sa musique s'était chargée d'orage, de tourments et de rage. Elle exprimait sa rancœur contre Allanis, ses remords de devoir infliger toute cette peine et cette souffrance, son impuissance devant la cruauté avide de sa Gardienne, et le poids immense des regrets qui broyaient son âme dans un étau impitoyable. C'était de plus en plus difficile de se plier à ses exigences, d'accepter ses conditions, de respecter la mission dont on l'avait chargée : pas avec Allanis, pas pour son bénéfice personnel, et surtout pas pour le malheur des victimes qui s'accumulaient sans qu'elle ne puisse rien y faire. Pas pour que la lumière disparaisse des yeux de Chase, pas pour qu'il ne se retrouve seul et abandonné par celle pour laquelle il avait tout sacrifié...
Elle perçut son approche, la lente hésitation de ses mouvements aveugles, et ses tâtonnements alors qu'il avançait et prenait place à ses côtés sur le coussin de velours rouge recouvrant le banc de l'organiste. De lui n'émanait aucune hostilité, aucun reproche. Sa main gauche dérapa sur les touches et une note discordante traduisit son malaise. Il ne pouvait pas la voir, mais elle avait soupçonné chez lui un certain sixième sens qui lui permettait certainement de percevoir bien plus qu'il n'y paraissait. Un instinct bien affûté, une logique imparable pour interpréter les mouvements et les intonations, bref : un talent bien caché pour déceler ce qui se passait autour de lui. Il avait sans doute capté et compris chacune de ses notes, chacun de ses sentiments, et les avait faits siens sans l'ombre d'une hésitation. Eirinn se raidit quelque peu, perdant le fil de sa mélodie qui devint incohérente, fragmentée et balbutiante. Sur une dernière note exhalée, elle immobilisa ses mains sur ses genoux, les crispant nerveusement l'une contre l'autre, les tournant et les tordant dans son inconfort.
Elle avait presque besoin qu'il l'agresse, qu'il donne voix aux reproches qu'il ne devait pas manquer de formuler en son for intérieur, qu'il lui donne la pleine et entière responsabilité de son désastre personnel. Elle en avait besoin car c'était ce qu'elle ressentait, au plus profond d'elle, même si c'était faux et illogique. Besoin qu'on l'accuse, besoin qu'on l'enfonce - besoin d'être la coupable, pour accepter enfin ses remords et son chagrin...
« Merci de m’avoir montré ces paysages. C’était sublime. Ne t’arrête pas, je t’en prie, c’est tellement beau. »
Il y avait un sourire, sur son visage. Un sourire paisible, lumineux, magnifié par la flamme de la bougie qui tremblotait derrière elle, un sourire qui appelait la paix et le pardon. Il ne lui en voulait donc pas, pour avoir prêté la main aux manigances cruelles d'Allanis ? Incapable de répondre, étouffée par la boule qui montait dans sa gorge, elle tendit la main vers le clavier, effleura quelques touches, en enfonça d'autres. Les notes les plus graves de la gamme résonnèrent sinistrement dans la cathédrale silencieuse, hormis leurs deux respirations. Elle n'avait plus envie de jouer pour ses yeux perdus : elle ne voulait pas se rappeler encore son expression choquée quand il s'était rendu compte du prix terrible qu'exigeait la Gardienne en échange de son vœu. Ses lèvres pincées quand il l'avait toisée, elle Eirinn, alors qu'elle exauçait son souhait.
D'une main tremblante, elle remonta la gamme, associa quelques notes éparses. C'était là le pardon qu'elle ne parvenait pas à demander... |
| | | Chase S. Washington Nouvel habitant
Messages : 18 Date d'inscription : 06/03/2010
| Sujet: Re: Alone in the dark -- PV Chase -- Mar 23 Mar - 19:34 | |
| Il n’aimait pas cette chanson. Elle était trop grave, trop hésitante. Les notes vibraient désagréablement, comme un mauvais écho qui vous persécute. Tout le monde connaît le son strident d’une fourchette qui racle une assiette vide, ou une craie blanche qui dérape sur un tableau noir. Pour Chase, c’était fort semblable, des ongles s’accrochant à une surface âpre. Il tendit la main, la dirigea vers la dernière note qu’il avait reconnue et effleura les doigts glacés de la jeune femme. De ce simple contact, il lui demandait d’arrêter, de faire cesser ce massacre musical, ce supplice involontaire. Le message fut aussitôt compris, et dans la cathédrale ne s’entendait désormais plus que la mort d’une mélodie tortueuse, déjà un souvenir lointain qui disparaissait, s’infiltrant entre les murs de pierre pour se dérober de là où il n’était pas le bienvenue.
« Ce n’est pas de ta faute. » murmura-t-il, comme s’il avait peur d’ébranler les hautes colonnes sculptées s’il haussait le ton. « Il faut que tu arrêtes de culpabiliser pour quelque chose dont tu n’es pas responsable. »
Son regard vide se tourna vers elle, comme s’il pouvait la voir, comme si le bleu de ses yeux était encore vif, vivant. Il ne se souvenait plus vraiment de sa hauteur, et butta donc contre son bras avant de réussir à poser sa main sur l’épaule de celle qu’on connaissait comme l’esprit de la pierre. Elle était tendue, tout son corps était crispé, comme son âme, comme son esprit. Elle avait un don, un don qu’elle avait transformé en fardeau, et qui l’écrasait, comme un poids insupportable, une malédiction trop lourde pour elle, et qui l’épuisait, aussi bien mentalement qui physiquement. Sous le tissu, il pouvait sentir ses muscles raides, comme s’ils étaient sans cesse en alerte, prêts à attaquer ou à se défendre. Cela demandait une grande maîtrise de soi-même, afin d’occulter les émotions primitives et se montrer forte, aller de l’avant alors qu’on voudrait faire machine arrière. Lui, il ne pouvait pas voir l’expression de son visage, mais il l’imaginait impassible, un masque d’invulnérabilité. Mais de cette façon il ne pouvait succomber aux illusions. Car il voyait l’invisible, au-delà des barrières inventées par les hommes. Il voyait ce qu’il y a derrière les murs infranchissables, voyait le cœur des gens, leur intérieur, y entrait comme s’il y avait été convié, faisait comme chez lui, s’y accommodait, se mettait à ses aises. Il se fichait des artifices. Il pouvait discerner les mensonges, le paradoxe entre l’être et le paraître n’était qu’un mythe pour lui maintenant qu’il ne pouvait juger les apparences et était automatiquement confronté à la réalité. C’était comme être une petite fourmi qui marche le long de votre bras, et, comme si de rien n’était, se faufile entre vos doigts, et se retrouve en un rien de temps à l’intérieur de votre poing fermé, là où se trouvent les secrets que les autres ne peuvent que désirer depuis l’extérieur, incapables d’ouvrir votre main et n’ayant donc pas accès à ce qu’elle renferme.
« Tu devrais connaître notre monde depuis le temps que les gens t’appellent pour montrer leur égocentricisme. Chacun est imbus de sa personne, égoïste et individualiste. Personne n’est tout-à-fait altruiste. Ca n’aurait d’ailleurs aucun sens. Il faut l’accepter ; nous avons tous nos défauts, et par-dessus tout, nos vices. Certains les gardent comme des fantasmes et attendent patiemment qu’ils se réalisent. Mais d’autres sont plus impatients, plus ambitieux. Ils choisissent la voie de la facilité. C’est un des penchants de la nature humaine, obtenir ce que l’on souhaite en faisant le moins d’efforts possibles. S’ils acceptent le prix que vous leur demandez, alors où est le mal ? Ils savent ce qu’ils font, et l’acceptent. Pourquoi ne le fais-tu pas, toi ? Accepter ? Accepter que le choix soit entre leurs mains, qu’au fond tu n’es que l’outil, pas le responsable. Si un homme meurt d’une overdose, peut-il vraiment prendre pour responsable la drogue ? Le coupable n’est-il pas lui-même, d’avoir consommé en sachant que cela signerait son arrête de mort ? Certes, c’est la drogue qui l’a tué. Mais c’est lui qui a choisi de mettre fin à ses jours de cette façon, se croyant peut-être trop malin et pensant pouvoir sublimer les dangers létaux. Il aura eu ce qu’il voulait, une évasion temporaire, des plaisirs imaginaires, et en aura payé le prix, un prix qu’il connaissait, un prix fixé longtemps à l’avance. Voilà tout. Rien n’est gratuit, ainsi va la vie. Tu n’as pas à t’en vouloir, c’est la cupidité des gens qu’il faut blâmer s’il y a des réclamations. »
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| | | Eirinn MacAnrai Admin || Esprit de la Pierre
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| Sujet: Re: Alone in the dark -- PV Chase -- Ven 2 Avr - 11:09 | |
| La mélodie passait sur les nerfs à vif d'Eirinn comme de l'acide sur une plaie. Elle sentait les vibrations émises par le puissant instrument remonter le long de sa colonne vertébrale en envoyant des frissons sinistres dans ses membres ; ses oreilles s'emplissaient des notes discordantes, faisant luire au coin de ses paupières le fantôme d'une larme qui ne coulerait jamais. En deux mille années, elle avait appris à ne pas s'épancher. Elle pouvait presque sentir les âmes en peine qui erraient dans le cimetière voisin réagir à sa tristesse et s'assembler derrière les murs épais de la cathédrale, pleurant pour elle, pleurant pour Chase, pleurant avec elle sur le sort de l'humanité qui devenait de plus en plus inconsciente et égoïste. Elle était fatiguée soudain, fatiguée de devoir sans cesse lutter pour équilibrer sa conscience et ses remords, pour trouver la force de tromper la mort, et le courage de se battre, encore.
Le doux contact d'une main amicale sur les siennes la figea brusquement, interdite. La mélodie chaotique s'interrompit et s'en alla mourir contre les murailles de pierre qui encloîtraient l'atmosphère vibrante de la cathédrale. Le silence reprit ses droits séculaires dans ce lieu de prière révéré entre tous, et le cœur d'Eirinn qui battait la chamade s'apaisa, peu à peu. C'était comme si Chase avait ôté un peu du poids terrible qui écrasait ses épaules, comme si il l'avait autorisée à respirer à nouveau, sans craindre de ne voir son cœur se briser de honte sous la culpabilité qui l'étouffait.
Bien rares étaient les malheureux dont Allanis exigeait autant. D'ordinaire, ils restaient tout de même capables de vivre leur vie - elle préférait les priver d'une personne chère à leur cœur ou d'une possession chérie entre toutes. Là, elle avait pris les deux : Chase avait en quelque sorte payé deux fois le prix de son souhait. Une vague pensée s'agita dans l'esprit d'Eirinn à cette idée, mais lorsqu'elle tent a de se concentrer dessus, elle éclata comme une bulle de savon qui se disperse dans l'air. Mieux valait ne pas insister et laissa la petite idée grandir et se développer... Elle en revint à la longue litanie des noms des victimes de la Pierre. Ici, des parents décédés prématurément, là, une maison saisie par les huissiers, sans cesse la souffrance et la douleur, et elle Eirinn au milieu de tout cela, les années passant sur elle sans l'atteindre, ajoutant au poids intolérable des remords celui de la lassitude. Avant, elle aimait sa mission : elle aimait accorder les souhaits, et approuvait l'exigence d'une contrepartie, afin que les gens réalisent pleinement l'ampleur du sacrifice et la valeur de ce qui leur était donné. Là... cela n'avait plus aucun sens. Sa mission était détournée de ses fonctions, l'utilité première de ses actes avait disparu. Ne restait que la mesquinerie d'une petite fille qui avait grandi dans l'ombre de sa sœur et qui ne rêvait que de succès, de pouvoir et de popularité.
Eirinn se demandait souvent si tout cela était un plan de la Déesse pour éprouver son courage et sa force. La mère éternelle avait peut-être décidé que le temps était venu pour elle de faire la preuve de son mérite et de sa valeur ? Impossible de le savoir avec certitude, et Eirinn en doutait fortement : un être aussi pleinement bienveillant n'aurait jamais accepté de voir tant d'innocents souffrir, simplement pour tester une seule âme. Non, ce qui se jouait là était pleinement le fait d'Allanis, et elle-même n'y pouvait rien, liée par son serment depuis si longtemps. Si seulement elle pouvait périr pour de bon, mourir et oublier la charge de chagrin qu'on lui avait imposée, mais cela, hélas, n'était pas possible. Point de repos possible pour l'Esprit de la Pierre, sa mission était éternelle... Elle ne pouvait qu'attendre, attendre en silence que la Gardienne en charge vieillisse et meure, que le fardeau passe à la suivante sur la ligne de succession. Que Roxane prenne enfin la responsabilité de la Crystal Stone.
Que plus jamais le sort de Chase ne se reproduise. Elle écouta ce qu'il lui disait - son esprit voulait acquiescer, mais son cœur lui soufflait qu'elle avait tout de même une part de responsabilité. Qu'elle pouvait refuser d'obéir, rompre son serment et perdre sa place d'Esprit de la Pierre. Là, ce serait la mort véritable... Mais cela ne résoudrait rien. Un autre Esprit serait rapidement nommé et Allanis continuerait ses méfaits. Mieux valait qu'elle reste et tente de la tempérer...
" Ce n'est pas moi qui exige la contrepartie, mais c'est moi qui la prends. J'arrache à ces gens des choses inestimables, sans aucune mesure avec l'importance du souhait qu'ils formulent. Je leur ôte parfois jusqu'à leur raison de vivre, comment est-ce que je peux vivre avec ça ? C'est trop dur de voir leur désespoir exploité de cette façon. Je ne peux rien y faire, je suis obligée d'obéir, et ça me dégoûte. Je ne veux pas être responsable ni même complice de toute cette douleur... "
Elle baissa la tête. Les épaules voûtées, le regard sombre, elle était l'image même du découragement. Ce fut cet instant précis que choisit sa petite idée pour s'agiter de plus belle, toutes clochettes tintinnabulantes. Elle jeta un regard en coin vers Chase qui avait l'air plus que paisible, comme si sa cécité ne lui pesait pas le moins du monde. Ce qui était possible : selon Eirinn, ce qui devait vraiment le miner, c'était le départ impromptu de Wendy.
" Je suis désolée. Pour Wendy... Cela n'aurait pas dû arriver. "
Il devait se sentir si seul, si triste. Il avait sacrifié ses yeux pour elle, et elle, qu'avait-elle fait ? Elle était partie, elle l'avait abandonné, dans sa solitude et sa misère. Eirinn soupçonnait derrière cet acte une grande souffrance et encore plus de remords, mais elle n'approuvait pas la décision de la jeune femme : elle aurait dû rester aux côtés de Chase et se battre pour lui, comme lui s'était battu pour elle. |
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